Année C – 34ème dimanche ordinaire : Christ-Roi


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Si tu es Roi, descende donc de la croix.

Nous-mêmes nous ne comprenons pas que , si le Christ est Roi, Il ne descende pas de la croix, mais qu'Il soit toujours persécuté, crucifié dans son Eglise...

Nous souhaiterions, surtout certains jours, un christianisme triomphant et triomphal...

Non, le règne du Christ et de son idéal ne sera définitivement réalisé qu'à la fin du monde ; en attendant, il ne progresse que dans la lutte... - Valeur que cela lui donne = il doit être "voulu".

L'exemple du Christ en croix nous stimule dans cette lutte pour l'arrivée et la propagation de son règne.

Le royaume de Dieu n'arrivera pas avec ostentation et éclat... il est déjà au milieu de vous

Cette phrase du Christ nous fait comprendre 3 choses :

1°) Le règne du Christ doit commencer dès ici-bas...
2°) Il n'est pas purement intérieur...encore qu'il doive l'être...
3°) C'est un "royaume", un groupe., un milieu dans lequel l'idéal et l'Esprit du Christ doivent régner...

Tous ceux qui sont dans ce royaume doivent pouvoir expérimenter que c’est un milieu qui diffère totalement du milieu du monde, comme le jour diffère de la nuit ! cf. St Paul (textes)...-St Pierre...

Ce milieu doit en effet se caractériser comme un milieu où tout est lumière, clarté, limpidité, pureté...

Est-ce le cas de notre communauté paroissiale et de nos groupements?...

Ce qu'en pensent nos jeunes...

Que cela nous stimule à vivre de plus en plus une vie chrétienne authentique dans notre paroisse...

Que de plus en plus des communautés vraiment chrétiennes noyautent le monde... C'est la seule façon dont le règne du Christ pourra s'étendre...


HOMELIE

 

CHUT !... ECOUTEZ ! Je crois entendre ma voix... N'entendez-vous pas la vôtre ?... " Christ, si tu es Roi, descends de ta croix et nous croirons en Toi."

Oui, que de fois nous sommes déroutés devant le Christ crucifié... devant le Christ à nouveau crucifié dans son Eglise, et ceci à nouveau par les siens Nous sommes déroutés parce que nous attendons avec impatience qu'enfin son règne vienne ! qu'il triomphe enfin une bonne fois de tous ses adversaires!... que nous puissions enfin nous rallier à Quelqu'un qui aurait le monde entier à ses pieds, à Quelqu'un devant lequel tout genou fléchirait...

Non, non, le règne du Christ ne sera jamais définitivement établi sur cette terre. Celle-ci est une arène où la lutte entre le bien et le mal, entre la vérité et l'erreur, se poursuivra jusqu'à la fin avec des avancées et des reculs, des succès et des défaites... Ce règne, il n'est pas imposé, établi ce n'est pas du "tout cuit" ; il doit être constamment voulu, librement voulu, recherché ! C'est là ce qui lui donne toute sa valeur... une valeur d'amour ! Dans cette lutte pour l'avènement et la propagation du règne du Christ, sa croix est pour nous un stimulant : c'est son instrument de conquête...

Le Christ n'a pas voulu conquérir le monde par la force et la violence... A ce moment-là, pourquoi nous aurait-il fait libres ? Non, "son royaume , Il le disait à Pilate, "n'est pas comme les royaumes d'ici-bas." (cf. St Jean, ch.18, v.36).

Pensons-y les jours où nous serions tentés de rêver d'un christianisme triomphant et triomphal... Si nous nous plaçons dans la perspective divine, qui a voulu nous attirer et non pas nous forcer, demander au Christ de quitter sa croix, ce serait lui demander d'abdiquer, ce serait le détrôner, ce serait lui enlever son sceptre ! C'est en effet sa croix qui empêche l'erreur de triompher parce qu'elle nous crie : plutôt la torture que de trahir la vérité !... Sa croix, elle donne au mensonge son vrai visage, son hideux visage ! Oui, la peur, la haine de la vérité, voilà à quoi elles ont abouti  : " Il n'avait pourtant rien fait de mal " comme le crie le bon larron, mais comme on le chantait : "il avait dit la vérité," - "Oui, je suis le Christ, le Fils du Dieu vivant." - Il devait être exécuté  ! Et cette exécution confond le mensonge et nous en inspire l'horreur  : voilà à quoi il conduit. Cette exécution, elle nous incite nous aussi à lutter jusqu'au bout pour la vérité et donc à étendre son règne ! Cette exécution sur ce gibet d'infamie, elle assure la royauté du Christ. Il nous aimait tant ! Il pensait que la vérité, la sainteté, l'amitié de Dieu, l'idéal qu'il nous proposait étaient pour nous biens si précieux qu'il fallait les proclamer, les défendre, les promouvoir coûte que coûte, fut-ce en s'exposant aux pires tortures !... C'est cela que nous crie sa croix. Elle est devenue ainsi l'instrument de sa royauté. Il a raison de dire : " Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à Moi !" (St Jean, ch.12, v.32). Oh ! pas les mauviettes, pas les hypocrites, pas ceux auxquels la vérité fait peur, pas les partisans des compromis, mais les âmes généreuses prêtes à lutter, elles aussi, à cause de l'amour, à cause de l'estime qu'elles auront pour Moi, pour la vérité, pour la sainteté, pour l'idéal que je leur ai proposé, prêtes à lutter, elles aussi, jusqu'au bout et à contribuer ainsi à étendre mon règne, ce règne de vie, de vérité, de grâce, de sainteté, de justice, d'amour et de paix que nous chanterons tout à l'heure dans la Préface et qui n'est autre que le règne de Dieu

Le jour où cette tentation nous prend, le jour où nous voudrions pouvoir nous rallier à un christianisme triomphant, pensons aussi à cette parole du Seigneur à l'adresse de ceux qui, eux aussi, attendaient des signes éclatants de l'arrivée de son règne : " Non, non, le royaume de Dieu n'arrivera pas avec ostentation et éclat... Voyez ! il est déjà au milieu de vous !" (St Luc, ch.17., v.20-21).

Cette parole du Christ nous met en garde contre 3 autres tentations qui nous guettent au sujet de ce royaume du Christ.

Sous prétexte que Le règne du Christ n'arrivera pas de façon éclatante et spectaculaire, par la force, par l'écrasement, mais bien plutôt par la confusion de ses adversaires, sous prétexte que ce règne ne sera parfaitement réalisé qu'à la fin du championnat qui se dispute sur cette terre, certains ont pensé que ce règne du Christ. il fallait le projeter dans l'au-delà, le différer jusqu’à la fin du monde, lui attribuer comme l'on dit une dimension purement eschatologique. Jésus répond carrément : " Non ! non ! il est déjà là... il est dejà parmi vous ! il est déjà commencé  !" Là encore on a voulu ergoter ; certains ont traduit cette parole du Christ : il est déjà là "au dedans" et non au "milieu" de vous. Beaucoup peut-être même parmi nous seraient portés en effet à l'entendre de cette façon. Jésus doit régner de plus en plus en nos cœurs ! C'est vrai, certes ! c'est capital, ce doit être l'objet de notre prière en ce jour : que le Christ règne de plus en plus sur nos intelligences, nos cœurs, nos volontés, qu'il soit ainsi de plus en plus "notre" Roi !

Mais ce règne de Dieu dont Jésus nous parle si souvent dans l'Evangile et qu'Il nous dit être venu instaurer sur cette terre, il n’est pas purement intérieur ! Nous serions tentés souvent de nous évader dans l'abstrait, surtout quand il s'agit de religion, nous serions tentés de tout situer dans l'intime, dans l'invisible. Non ! Déjà ce règne de Dieu en nos cœurs, s'il est réel, profond, non seulement se manifestera immanquablement par un épanouissement de tout ce qu'il y a de meilleur en nous, mais il se traduira aussi immanquablement par un rayonnement extérieur de plus en plus remarquable.

Et puis il nous faut ajouter ceci : attention ! attention ! ne confondons pas règne de Dieu et royaume de Dieu. Le Christ n'est pas venu pour assurer simplement dès ici-bas le règne de Dieu dans les cœurs. Il est venu pour fonder, pour établir le " royaume de Dieu ". Un royaume n'est pas constitué par un simple individu, ni même par une juxtaposition d'individus. Il suppose un groupe, un milieu, et ce milieu, ce groupe doit lui aussi "apparaître visiblement" à ceux qui en font partie comme à ceux de l'extérieur, comme un milieu formidable, extraordinaire, épanoui et épanouissant.

C'était vrai au temps des Apôtres.

Vous avez entendu tout à l'heure ce que St Paul écrivait aux chrétiens de la ville de Colosses : il les exhortait, il les incitait à rendre grâce à Dieu, à Le remercier de ce qu'Il les avait rendus dignes de partager le sort des saints dans la lumière, de ce qu'Il les avait arrachés au pouvoir des ténèbres pour les faire entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé par qui nous sommes rachetés (c’est-à-dire délivrés de notre esclavage) et par qui nous avons obtenu le pardon de nos péchés.

Cet arrachement au pouvoir des ténèbres, cette plongée dans le royaume de lumière et de libération qui est celui du Christ, St Paul ne demande pas à ces chrétiens de croire que cela s'était passé pour eux intérieurement, mais c'est un constat dont il part une chance inouïe "qu'ils éprouvent" et dont ils doivent rendre grâces...

Ce constat de différence totale entre l'avant et l'après, entre le milieu païen dans lequel les chrétiens étaient jadis plongés et le milieu nouveau dans lequel ils sont entrés depuis leur conversion, depuis leur baptême, les Apôtres y reviennent sans cesse, comme au constat que tous les convertis peuvent faire d'une chance inouïe qu'ils ont eue et qu'ils savourent !

Ecoutez encore St Paul s'adressant aux Chrétiens de Corinthe. Ne vous y trompez pas ! Ni impudiques, ni idolâtres, ni adultères, ni dépravés, ni gens de mœurs infâmes, ni voleurs, ni cupides, pas plus qu'ivrognes, insulteurs ou rapaces, n'hériteront du royaume de Dieu. Et cela, vous l'étiez bien jadis, quelques-uns d'entre vous. Mais vous avez été lavés, mais voua avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés par le nom de Notre Seigneur Jésus-Christ et par l'Esprit de Dieu (lère aux Corinthiens, ch.6, v.9-11).

Dans la lettre aux Ephésiens, nous retrouvons la même idée. Sachez le bien ni le fornicateur, ni l'impudique, ni le cupide, qui est un idolâtre, n'ont droit à l'héritage dans le royaume du Christ et de Dieu. N'ayez donc rien de commun avec eux. Jadis vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière..." (Ephésiens ch.5,v.5-9).

Et aux Thessaloniciens, le même St Paul écrivait "Vous, mes frères, vous n'êtes pas dans les ténèbres, pour que le Jour (du retour du Seigneur) vous surprenne comme un voleur ; car vous êtes tous fils de la lumière et fils du jour. Nous ne sommes pas de la nuit ni des ténèbres..." (lère épître aux Thessaloniciens, ch.5,v.4-5).

St Pierre de son côté faisait prendre conscience pareillement aux chrétiens de la chance qu'ils avaient. Vous, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour annoncer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière, vous qui jadis n'étiez pas un Peuple et qui êtes maintenant le Peuple de Dieu, qui jadis n'obteniez pas miséricorde mais qui maintenant avez obtenu miséricorde." (lère Epître de St Pierre, ch.2, v.9-11)

Et un peu plus loin, dans ce même chapitre (v.25) : " Vous étiez comme des brebis égarées, mais à présent vous êtes retournés vers le Pasteur et le Gardien de vos âmes."

Autrefois... aujourd'hui : c'est la nuit et le jour... Autrefois les ténèbres, aujourd'hui la lumière  ! Quel contraste !

Chrétiens d'aujourd'hui qui prétendez bien être dans le royaume du Christ, avez-vous l'impression profonde de cette différence absolue de milieu entre le monde dans lequel vous êtes plongés à longueur de journée, et votre groupe, votre communauté paroissiale ? C'est à cela que nous pouvons juger si notre communauté paroissiale, si notre groupement de jeunesse, sont bien une cellule authentique du royaume de Dieu, prodrome, de son règne universel.

Vous avez entendu le témoignage des Apôtres. Voici quelques témoignages sur cette différence entre la nuit et le jour perçue par nos jeunes à la colonie de cette année. Pour ne pas trop m'attarder, je n'en citerai que deux pris parmi bien d'autres ...

Voici la lettre d'une jeune fille de 18 ans: " Je crois que beaucoup ont retrouvé dans cette colonie force et enthousiasme... Une de mes amies qui y à participé m’a écrit une lettre sensationnelle. Mon frère a été également très marque par l'ambiance et par notre idéal. Il m'a dit qu'il n'aurait jamais cru que des groupements de jeunes comme le nôtre pouvaient encore exister..."

Et voici un extrait de la lettre que ce frère écrivait à l'un de ses amis pour lui faire part de ses impressions : " J'ai été vraiment enthousiasmé par cette ambiance "hors du commun" que jamais je n'oublierai. Il y a quelque chose d'entraînant dans ce groupe St Benoît qui est exceptionnel, peut-être cette même foi qui anime chacun. Il y a longtemps que je n'avais vécu un mois aussi passionnant et incitant à la réflexion. Et je m'aperçois combien il est à la fois facile et difficile de vivre dans cet idéal, d'être chrétien. Je me suis aperçu de cela surtout au camp un acte de charité, aider un gars, le comprendre et... ça y est, on a le cœur secoué.
Mais je dirais que c'est presque mettre le doigt dans l'engrenage car il y a un appel pour vivre à chaque instant pour Dieu, appel qui est très difficile à suivre, surtout au milieu du monde actuel où il est plus facile de se laisser aller... Dans ce monde qui va on ne sait trop comment et où, on a vite fait de sombrer dans le pessimisme et je crois que cela va contre ma nature, et malgré tout j'ai une grande confiance en mon avenir : la foi en quelque sorte... J'espère que le groupe marchera très bien (à la rentrée) et qu'il m'aidera à vivre chaque instant pour Dieu (l'Evangile de ce Dimanche parlait de cela) ; c'est très important pour nous de penser à cela... Ah ! mon cher, cette colonie, que de bons moments ! Quelle entente entre les Guides Aînées et les Pionniers ! je n'ai jamais vu et eu de rapports si chics, si francs, si clairs entre garçons et filles  ! c'est inoubliable... J'ai remarqué le progrès qui avait été fait par tous durant ce mois. J'espère que cette année me procurera encore beaucoup de joies saines comme celles-ci. Heureusement il y a ces joies gravées dans notre cœur et qui nous stimulent !...Quel réconfort d’y penser..."

Ces jeunes, je précise, ont 17 et 18 ans.

Oui quel réconfort pour ces jeunes, mais aussi quel réconfort pour nous !

Une fois de plus se vérifie notre conviction profonde : on ne sauvera le monde, le règne du Christ n'arrivera dans le monde qu'en le noyautant, si je puis ainsi dire, de petites communautés chrétiennes authentiques qui vivent "à bloc" de l'Esprit et de l'Idéal du Christ... Croyez-moi, ce n'est pas avec des discussions sans fin et stériles que l'on changera le monde. Les chrétiens, les prêtres eux-mêmes, n'ont pas à se réunir sans cesse pour "tirer des plans sur la comète", pour chercher sans arrêt de nouvelles méthodes... Si tout ce temps perdu était employé à rendre plus authentiquement chrétienne chacune des paroisses, chacun de nos groupements, les résultats seraient tout autre ! Ces groupements ne pourraient pas ne pas être attrayants ; ceux qui en auraient fait partie en garderaient assurément la nostalgie, même s'il y avait des défaillances.. Vivre selon Jésus-Christ, c'est trouver un épanouissement qu'on ne peut trouver nulle part ailleurs... Il ne suffit pas de l'affirmer, il faut l'expérimenter au sein d'un groupe... et ce groupe, où les gens sont épanouis et heureux, ne peut pas ne pas être attractif !

En ce jour où nous souhaitons tous assurément qu'arrive le règne de Dieu, avec plus de ferveur et d'enthousiasme que jamais, promettons-nous de vivre encore plus à fond cette vie chrétienne qui contraste, comme le jour et la nuit, avec celle du monde... Et, avec les fidèles de Corinthe, remercions le Seigneur qui nous a donné de partager dès ici-bas le sort des saints dans la lumière, en nous arrachant au pouvoir des ténèbres... pour nous transférer dans ce royaume du Christ, " royaume de vie, de vérité, de grâce et de sainteté, de pureté, de justice, d'amour et de paix."

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