Année C – Epiphanie du Seigneur


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

LA MARCHE A L'ETOILE...

Un disciple d'Isaïe avait rêvé au VIe siècle avant J.C. que le peuple de Dieu soit la lumière des nations...
Vatican I avait rêvé la même chose de l'Eglise...
Vatican II également...
Jean XXIII assignait ce but au Concile…
J'avais rêvé, je rêve encore, moi aussi...

Ce REVE a parfois été réalisé.

Au temps des premier chrétiens...
Plus près de nous encore, en 1947 : le Cardinal Suhard parle du "printemps de l'Eglise..."

Nous avons vu réalisé ce rêve, dans nos diverses paroisses...

Aujourd'hui, éclipse de la confiance en l'Eglise. Elle n'attire plus :

Constat : Le Cardinal Marty parle de "l'hiver de l'Eglise"
nous-mêmes : ce que nous constatons…

Pourquoi ?

- Motifs récents :

l'anarchie doctrinale et disciplinaire...
la division des chrétiens... 

- Motifs anciens qui persistent :

. la désertion des adultes :

a. la foi leur apparaît "bonne pour les enfants"
par manque de " rationalité " dans l'enseignement religieux.
parce qu'impressionnés par les objections qu'on a "laissé courir" sans y donner de réponses à leur portée…
à raison de la pression du milieu…

b. la morale leur apparaît comme vexatoire.

c. La vie les détourne de tous les problèmes profonds…

. la désertion des adolescents :

a. l'Eglise leur apparaît comme opposée à l'amour, parce qu'on ne leur a pas montré qu'elle voulait au contraire en sauvegarder la beauté…

b. l'Eglise leur apparaît trop froide...

Les REMEDES pour que l'Eglise, pour que nos communautés deviennent l'ETOILE qui brille et qui attire :

1°) Justifier rationnellement notre foi...

2°) Montrer comment notre idéal (notre morale) épanouit ce qu'il y a de meilleur en nous, y compris dans le domaine de l'amour

3°) Offrir "un milieu" favorable, attrayant : nos communautés.

4°) Pour cela, que tous les membres prennent de plus en plus notre foi comme l'étoile… notre vie s'en trouvera alors transfigurée, irradié et irradiante.


HOMELIE

LA MARCHE A L'ETOILE...

IL REVAIT... ce prophète, disciple d'Isaïe qui, aux temps sombres de l'exil à Babylone, s'écriait en pensant à la gloire future de la Jérusalem rénovée : « Debout ! Rayonne, car voici ta lumière et sur toi se lève la Gloire de Yahvé... Tandis que l'obscurité recouvre la terre, sur toi se lève la Gloire du Seigneur, les nations marcheront vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton aurore... Lève les yeux, regarde, tous ils s'assemblent et viennent vers toi... tu le verras et seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera ! »

ILS REVAIENT les pères du Concile Vatican I en 1870, quand ils déclaraient que l'Eglise apparaissait comme un signal levé pour les nations qui invitait à venir vers elle ceux qui ne croyaient pas encore... (Denz. 1794).

ILS REVAIENT les pères du Concile Vatican II qui, j'ai eu déjà l'occasion de le souligner, reprenaient dans la Constitution sur la Sainte Liturgie, cette expression : « L'Eglise se montre à ceux qui sont dehors comme un signal levé devant les nations. » (Constitution sur la Liturgie n° 22).

IL REVAIT le bon pape Jean XXIII quand, parlant du but de ce Concile, il disait : « Après avoir éliminé tout ce qui, sur le plan humain, peut faire obstacle... nous présenterons une Eglise dans toute sa splendeur — sine macula, sine ruga — sans tâche ni ride et nous dirons à tous les autres qui sont séparés de nous : "Voyez, frères, c'est là l'Eglise du Christ. Nous nous sommes efforcés de lui rester fidèles... Venez, venez, voici que le chemin est ouvert pour la rencontre, pour le retour...", Oh ! quelle joie ! quelle prospérité, même dans l'ordre civique et social, ne peut-on attendre pour le monde entier de la paix religieuse, de la famille chrétienne reconstituée ! » (Allocution aux dirigeants de l'Action Catholique italienne, 7 juillet 1969).

JE REVAIS moi-même en 1943 lorsque j'avais lancé notre œuvre. J'avais rêvé, je rêve encore, que nos paroisses, qui devraient être — le Concile l'a rappelé (Constitution sur la Liturgie n° 42) — comme une présence locale de l'Eglise universelle, remplissent le même rôle et que nos communautés chrétiennes soient, elles aussi, si belles, si authentiquement évangéliques, qu'elles attirent vers elles tous ceux dehors...

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En serons-nous réduits à "rêver"… ou bien ce rêve deviendra-t-il réalité ?

En fait, ce rêve s'est réalisé plusieurs fois au cours des âges... L'Eglise du Christ a toujours attiré bien des âmes, mais, à certaine époques de plus grande ferveur cette attraction a été d'autant plus puissante.

Il n'y a pas si longtemps, en 1947 le Cardinal Suhard, dans sa magnifique lettre de Carême "Essor ou Déclin de l'Eglise", pouvait parler d'un « Printemps de l'Eglise !... » tellement à cette époque-là, l'Eglise de France redevenait vivante. Des communautés paroissiales ferventes, évangéliques, fraternelles, se créaient de tous côtés et attiraient de nombreuses âmes dans tous les milieux ...

Ce rêve, nous l'avons vu nous-mêmes réalisé plusieurs fois à notre humble niveau. Que ce soit à la petite paroisse rurale de Bussières, dans le Morvan, qui était complètement déchristianisée, que ce soit dans la paroisse bourgeoise et maraîchère de Croissy-sur-Seine, que ce soit dans la paroisse, pour lors bien ouvrière, de l'Haÿ-les-Roses, que ce soit dans la grosse paroisse de Choisy-le-Roi, je dirais que ce soit aussi à Rungis. En tous ces endroits elle avait commencé bien petitement notre communauté chrétienne, et puis, peu à peu, à cause de la ferveur, de la générosité de ses membres, elle a attiré de plus en plus d'âmes de tous les milieux, de toutes conditions sociales. Ce rêve, nous le voyons encore réalisé aujourd'hui grâce à Dieu, dans nos groupements de jeunes qui ont commencé avec quelques unités et qui, à cause — je tiens à le souligner — de leur idéal même ont attiré tant d'autres jeunes que nos locaux sont trop exigus pour les contenir…

Ce rêve, on avait pu croire qu'il se réaliserait avec beaucoup d'ampleur après le Concile, puisqu'aussi bien, je viens de le dire, c'était le but assigné par Jean XXIII à ce Concile.

Or il semblerait bien que c'est tout le contraire. Il semblerait qu'aujourd'hui l'Eglise au lieu d'attirer, rebute, décourage, éloigne ! C'est un fait que la pratique a diminué de façon tragique, c'est un fait que les vocations se raréfient de plus en plus... Que de chrétiens fervents vous disent : « Je ne vais plus à l'église, j'attends que la crise soit passée. » Que de jeunes la quittent pour courir vers les sectes !... Si bien que le troisième successeur du Cardinal Suhard, le Cardinal Marty, reconnaissait il y a quelques mois à peine dans une interview accordé M. Jean-Pierre Dubois-Dumée pour le compte de La Vie Catholique que, « l'Eglise vit actuellement son hiver ! » et il ajoutait : « Il ne faut pas se décourager devant cette mort apparente de la nature, le temps de la germination est celui de l'attente et de l'espérance. » Moi-même, je vous avais invité au cours de l'Avent à voir toutes ces jeunes pousses sur l'arbre de l'Eglise qui, à première vue, pourrait sembler un arbre mort, et je pense même que le constat fait par le Cardinal Marty peut être porté au compte de ces signes d'espérance : il permet d'espérer que l'on va réagir. Jusqu'ici, certains pouvaient se demander si la hiérarchie se rendait bien compte de ce déclin angoissant que nous, prêtres de la base, nous constations autour de nous. Maintenant c'est clair, le constat est fait, je pense qu'il ne peut que stimuler les pasteurs et leurs ouailles pour réagir énergiquement.

 

Pour mieux nous rendre compte de ce que nous avons à faire nous-mêmes à notre niveau, essayons de résumer ici les causes de cette éclipse de la confiance des gens dans l'Eglise qui devrait être l'Etoile qui les guide et les attire.

Il y a des motifs qui sont nouveaux, récents, il y en a qui sont plus anciens.

Ce qui déroute bien des gens aujourd'hui, ce sont tous les changements qu'ils constatent dans l'Eglise et qui leur donnent l'impression que l'Eglise est un peu une "girouette", que l'Eglise n'est pas sûre d'elle-même, de ses positions.

Et que dire des divisions, des oppositions entre chrétiens, entre prêtres même, qui en sont la conséquence inévitable et qui scandalisent littéralement les gens ?…

Voici maintenant d'autres causes de la désertion de l'Eglise par la masse des gens, des causes qui jouent depuis déjà longtemps et jouent encore aujourd'hui.

Beaucoup d'adultes abandonnent la religion au sortir de l'enfance ou de l'adolescence parce qu'elle leur paraît comme dénuée de tout fondement rationnel, quelque chose de légendaire, même d'un peu simpliste et bébête, tout juste bonne pour des enfants mais indigne de gens évolués...

Cela provient de ce qu'au catéchisme en général, on a fort peu le souci d'étayer rationnellement l'enseignement que l'on donne… Plus que jamais aujourd'hui ce souci est absent des catéchismes, si bien que l'on peut se demander avec effroi si cette éclipse religieuse ne va pas se prolonger et même s'intensifier dans la génération qui monte !

Et pourquoi donc ce mépris de l'intellectuel et du rationnel dans l'enseignement religieux juste à un moment où, au contraire, notre monde s'intellectualise dès le jeune âge… Il n'y a qu'à voir le travail que l'on demande aux jeunes à l'école !...

Ce mépris de l'intellectuel et du rationnel provient, je crois, de ce que l'Eglise s'est laissée apeurée par les objections que l'on a pu faire, les a laissées "courir", se répandre dans les masses sans y répondre de façon pertinente, en s'appuyant sur le bon sens, cette philosophie de tout le monde... Dès lors ces objections souvent simplistes et qui dénotent souvent une ignorance complète du véritable contenu de notre enseignement religieux, parfois même une ignorance complète de l'histoire, ces objections ont fait leur ravage... La foi est devenue quelque chose de très subjectif, presque de sentimental... Votre bon cœur, mesdames et messieurs. Croient ceux qui se sentent portés à croire ne croient pas ceux qui ne s'y sentent pas portés ! Certains même pensent souligner ainsi la gratuité de la grâce de la foi, sans se rendre compte qu'avec une telle théorie il faudrait conclure que Dieu refuse sa grâce à certains. Cela pourrait peut-être cadrer avec une théorie janséniste ou certaines théories protestantes. Cela ne peut pas cadrer avec la doctrine catholique qui répète après saint Paul (1ère à Timothée, ch.2, v.4) « que Dieu veut sauver tous les hommes et veut qu'ils parviennent à la connaissance de la vérité. »

Parmi ces objections, j'ai déjà eu l'occasion de citer celles qui opposent foi et science, alors qu'aujourd'hui cette opposition est bien dépassée. La science vient même apporter, sinon des preuves (nos preuves sont d'un autre ordre), du moins des confirmations précieuses aux vérités de notre foi...

J'ai signalé aussi les objections que l'on fait en imputant à l'Eglise les fautes indéniables de certains de ses membres au cours des siècles, comme si on pouvait rendre responsables les parents des fautes commises par les enfants alors qu'ils ont essayé vainement de les en empêcher. Jamais l'enseignement de l'Eglise n'a approuvé ces fautes et ces défaillances. Elle les a toujours considérées comme des trahisons même quand elles étaient le fait de personnes haut placées dans la hiérarchie : Judas, le premier traître, était un Apôtre !

Beaucoup aussi s'éloignent de l'Eglise à cause de sa morale ! Mais bien souvent, parce que la façon dont on la leur a enseignée la leur a fait paraître comme imposée de l'extérieur de façon arbitraire et vexatoire, et non pas comme un idéal de vie répondant parfaitement à tout ce qu'il y a de noble et de grand, de par la grâce de Dieu, dans le cœur de l'homme.

Tout cela a créé une masse incroyante dont le poids vient s'ajouter à toutes ces objections restées sans réponse, et ce poids, cette pression sociale s'exerce d'autant plus efficacement que la vie en collectivité a engendré chez beaucoup une mentalité grégaire : on suit sans réfléchir ce qu'est censé faire Monsieur "tout le monde" !... Réfléchir ? Oui ! il faudrait pouvoir réfléchir pour échapper à toutes les influences, mais qui peut réfléchir aujourd'hui avec la vie de nous menons ?

Quant aux jeunes, la grande majorité abandonne l'Eglise lors de l'adolescence, l'âge mouvementé des passions ! Là encore, il semble bien que ce soit à cause de la façon dont on leur a présenté la pureté : une façon toute négative faite uniquement de défenses "a priori ", je veux dire que l'on ne justifiait pas, et non point comme le souci de sauvegarder dans toute sa beauté ce rêve d'un véritable amour d'adoration qui, par delà tous leurs instincts et leurs passions, sommeille quand même au plus profond de leur cœur !

Aujourd'hui beaucoup de jeunes abandonnent aussi la religion chrétienne au profit des sectes, parce qu'ils ne trouvent pas chez nous cette chaleur, cette fraternité qu'ils pensent découvrir dans ces sectes.

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Voilà donc un résumé de tous les nuages qui voilent aux yeux de nos contemporains cette Eglise qui, dans le sillage authentique du Christ, devrait leur indiquer la route...

 

Que faire, à notre humble niveau, pour dissiper ces nuages ? Que faire pour que nos communautés chrétiennes rayonnent davantage par leur foi, leur idéal, leur charité ?

Intensifier d'abord ce que déjà nous essayons de faire pour donner des bases solides à notre foi.

Vous savez comment dans nos catéchismes, surtout en 6ème et 5ème, nous essayons de donner à nos enfants des bases rationnelles en les faisant réfléchir au "pourquoi" de leur foi : pourquoi ils croient en Dieu, pourquoi ils croient que l'Evangile est vraie, pourquoi ou plutôt comment nous sentons que nous avons une âme, que nous sommes "doubles" etc. Nous essayons de répondre, en nous adaptant à leur niveau intellectuel, à une bonne centaine de "pourquoi ?". Nous leur parlons certes des défaillances de l'Eglise, mais aussi de tout ce qu'elle à apporté dans le monde...

Cette formation du catéchisme, vous savez que vous, adultes chrétiens pratiquants, vous pouvez là poursuivre dans l'atelier de réflexion chrétienne 3 fois par mois.

Quant à ceux qui ne fréquentent guère l'Eglise, nous essayons aussi de leur apporter des éléments de réflexion sur le contenu et les bases de notre foi, en diffusant chaque mois un chapitre de mon petit livret Lumières sur la route...

Une boîte à questions placée au bas de l'église vous permet, je vous le rappelle, permet à tous les passants de déposer leurs questions, pour qu'ensuite nous puissions les synthétiser et y répondre.

Vous savez notre souci de montrer comment notre idéal — je dis notre idéal plutôt que notre morale chrétienne — répond à toutes les aspirations nobles que la grâce du Seigneur suscite en nos cœurs ... Avec les jeunes, j'essaie de le leur montrer plus spécialement en ce qui concerne le domaine de la pureté, et je crois que cet exposé trouve un écho profond dans leur cœur. Je ferai paraître bientôt, j'espère, avec la collaboration de médecins et de psychologues, un livre sur cet exposé.

Ce qu'il nous faut aussi, et là nous sommes tous concernés, c'est offrir à tous ceux qui veulent vivre chrétiennement un milieu authentiquement chrétien qui soit pour eux comme un oasis où ils puissent venir se retremper. Rendre donc notre communauté paroissiale de plus en plus chaude, fervente, enthousiaste, de plus en plus fraternelle, d'une fraternité qui transcende toutes les classes sociales , d'une fraternité qui se traduise jusque dans le domaine matériel par un service d'entraide de plus en plus efficace. Là, nous nous sommes peut-être un peu ralentis, un peu refroidis... il faut s'y remettre !...

Et pour réaliser une communauté de "ce goût-là", il suffit de vivre notre foi, de la prendre vraiment comme l'étoile qui dirige notre vie ! Quelle doctrine, quel idéal, quel chef plus exaltants que les nôtres !...

Pensez un peu ce que "ça peut donner" lorsqu'on est convaincu de la divinité de Jésus-Christ !

Pensez un peu ce que "ça peut donner" lorsqu'on est vraiment, pratiquement, persuadé que Dieu est "notre" Père !

Pensez un peu ce que "ça peut donner" quand, à l'exemple de St Paul (Galates, ch. 2, v. 20), on vit avec cette idée fixe que le Christ, le propre Fils de Dieu, nous a aimés jusqu'à se laisser saigner pour nous !

Pensez un peu ce que "ça peut donner" quand on croit vraiment qu'à la messe, Il renouvelle ce sacrifice et que c'est vraiment Lui que nous recevons dans la Communion !

Pensez un peu ce que "ça peut donner" quand on voit, en chaque être humain, l'image de Dieu, parfois peut-être salie, défigurée, mais l'image de Dieu tout de même !

Pensez un peu ce que "ça peut donner" quand on réalise que tout ce que l'on fait au prochain en bien ou en mal atteint le Christ en plein cœur, comme Il l'a dit, parce que ce prochain, Il l'aime plus que Lui-même !

Pensez un peu quel réconfort cela peut donner quand on sait que toutes nos épreuves, tous nos sacrifices, peuvent se transformer en actes d'amour, peuvent nous permettre de nous associer à la Passion salvatrice de Jésus-Christ !

Pensez un peu ce que " ça peut donner " quand on est persuadé que nous sommes promus au rang d'enfants de Dieu, appelés à partager son propre bonheur infini pour l'éternité!...

Etc. etc.

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Oui chers frères, que notre foi soit notre étoile : toute notre vie s'en trouvera transfigurée, irradiée, et si nous vivons ainsi, notre communauté elle-même à son tour deviendra l'Etoile qui éclairera et attirera tous ceux au milieu desquels nous vivons et qui ne font pas encore partie de notre famille chrétienne !

  

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