Année C – Nativité du Seigneur


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

 

Une chose n'existe pour nous que si nous en prenons conscience.
Prenons conscience de l'amour fou de Dieu dont témoigne ce mystère de l'Incarnation…
l'intensité de l'amour se mesures aux choses " impossibles " qu'il fait réaliser…
Enumération de tous les impossibles que renferme ce mystère...

Devant cette avalanche "d'impossibles", l'esprit moderne se cabre...

Pour nous, chrétiens, cette avalanche "d'impossibles" :

- est pour nous une nouvelle raison d'y croire...
- nous permet de mesurer un peu l'amour de notre Dieu…
- Textes : " propter nimiam charitatem…. "

= Saint Paul (cf. Epîtres de cette fête)
= Saint Jean…

Le rôle de l'Eglise : faire croire à cet amour fou de Dieu ... qui, pour devenir mon ami, s'est fait mon semblable...
la régénération de sa générosité part de là…
exemple des Apôtres découvrant par sa Résurrection que le Christ était vraiment Dieu...
par cette Incarnation, toute la vie humaine est transfiguré... tout évoque pour moi le souvenir du Verbe incarné...

Comme elle est splendide et unique, notre religion...


HOMELIE

INCROYABLE ! C'EST IMPENSABLE ! PAS POSSIBLE !... PAS POSSIBLE !

Chers frères, il est bien évident que pour nous une chose n'existe que dans la mesure où nous en prenons conscience. Nous avons pu côtoyer un grand personnage sans le savoir, sans le deviner et cela n'a rien fait dans notre vie, n'a rien changé dans notre vie : nous ne le savions pas ! Nous avons pu être l'objet d'un geste qui voulait traduire une amitié, toute une tendresse, un geste qui supposait peut-être d'immenses sacrifices d'immenses renoncements, et parce que nous n'avons pas su déceler, découvrir tout ce que ce geste voulait dire, il nous a semblé un geste bien ordinaire et banal.

Il en est ainsi de l'amour fou de Dieu pour nous ! Si nous ne prenons pas conscience de l'amour que suppose cette naissance de Jésus à Bethléem en cette nuit de Noël, ça ne nous fera ni chaud ni froid, ça ne changera rien dans notre vie ! Mais si, grâce à la lumière de l'Esprit Saint, de l'Esprit de Dieu qui, lui est seul capable de nous révéler les mystères du Seigneur et surtout le mystère de son Amour, nous arrivons en ce jour à mieux découvrir cette folie de l'amour de Dieu, alors je crois, je pense, j'espère que notre vie toute entière en sera marquée pour toujours...

 

« Pas possible !... pas possible... » Vous l'avez entendu ce dialogue entre des amis ou entre des amoureux qui s'aiment d'un amour vrai et formidable . « Pas possible ! Tu as fait un si long voyage malgré la fatigue, malgré la maladie, pour venir jusqu'à moi ?... Pas possible tu me fais ce cadeau ! Mais c'est une fortune, c'est une folie ! Pas possible, tu m'aimes à ce point-là ?... »

La grandeur, l'intensité, la force d'un amour se mesure à la difficulté, à l'impossibilité des choses qu'il nous fait faire !

Je comprends fort bien que ceux qui veulent limiter la puissance de Dieu à la mesure de leur petite jugeote, ceux surtout qui veulent limiter l'amour de Dieu aux dimensions de leur cœur, souvent si étroit, je comprends fort bien que ces gens-là, ces modernes, soient déroutés devant le mystère de l'Incarnation et qu'ils déclarent tout net : « C'est impossible ! C'est impossible que le Christ soit Dieu... l'infini ! »

Pas possible, comme le dit l'office de cette nuit de Noël, que Celui que les cieux ne peuvent contenir se soit enfermé durant neuf mois dans le sein de la Vierge !

Pas possible que celui qui gît dans cette mangeoire entre deux animaux soit Celui qui règne dans les cieux !

Pas possible que ce petit pauvre, ce petit gitan qui est né sur la paille dans cette grotte de Bethléem, soit le Dieu de magnificence, de toute splendeur, de toute richesse !

Pas possible que la plénitude de la divinité « ait pris corps », comme le dit saint Paul (Epître aux Colossiens, ch.2, v.9), dans ce petit bébé... Pas possible que la plénitude de la divinité se soit comme engouffrée dans ce tout petit enfant de la crèche !

Pas possible que cet enfant qui vient de naître il y a quelques heures, quelques minutes, soit l'Eternel !

Pas possible que ce nourrisson qui a besoin du lait de sa Maman soit, comme le dit l'hymne de ce jour, Celui qui nourrit jusqu'aux plus petits oiseaux !

Pas possible que celui qui ne peut rien sans l'aide de sa Maman soit le Tout-puissant !

Pas possible que ce petit bébé qu'il va falloir cacher pour le soustraire à la jalousie d'Hérode qui veut le faire disparaître, pas possible que ce soit le Grand Dieu qui peut briser ses ennemis !

Pas possible que cet enfant qui galope dans les rues de Nazareth et qui joue, peut-être à cache-cache avec ses petits camarades, ou qui court peut-être après une chèvre qui s'est égarée, pas possible que ce soit Dieu lui-même !...

Pas possible, pas possible que ce travailleur, que cet ouvrier aux mains calleuses qui essuie du revers de sa main la sueur de son front parce qu'il trime durement pour livrer à temps les jougs et les charrues, ou encore les charpentes qui lui sont commandées, pas possible que ce soit le Créateur des mondes !

Pas possible que cet homme qui parcourt en long et en large sa province de Galilée, à marches forcées, en se faisant tout à tous... et qui le soir est épuisé et s'endort dans la barque de Pierre malgré la tempête qui fait rage, pas possible que ce voyageur qui est obligé de s'arrêter en cours de route et s'assoit sur la margelle du puits de Sichem parce qu'il fait chaud et qu'il a marché longuement et qu'il a soif… pas possible que cet homme fourbu soit le Dieu Tout-Puissant… pas possible !

Et moins possible encore que Lui, Dieu, le Grand Dieu, soit cet homme que l'on traque, que l'on veut arrêter parce qu'il est gênant, qu'il soit cet homme dont on veut se débarrasser, auquel on veut mettre les menottes ! Dieu ! "ça" ? pas possible !

Cet homme qui va comparaître devant les plus hautes autorités religieuses et politiques de sa nation pour être jugé et finalement condamné comme imposteur, comme perturbateur, Lui, le Fils de l'homme, le Fils de Dieu qui viendra un jour pour juger le monde entier ?... pas possible !

Pas possible que celui qui va être tourné en dérision par Hérode, celui que l'on va traiter d'innocent, de pauvre type, pas possible que ce soit l'Intelligence infinie, souveraine, qui ne cesse de penser et de vouloir l'Univers !

Pas possible, pas possible par dessus tout, que celui qui est là sur ce gibet, les pieds et les mains percés, le côté ouvert, ce soit le Fils de Dieu, Dieu Lui-même!... 

-o0o-

On comprend aisément que devant cette avalanche d'impossibles apparents, l'esprit moderne se cabre. Cet esprit moderne, en effet, tout en admettant fort bien que le génie de Savants puisse réaliser des choses qui paraîtront impossibles au commun des mortels, n'admet pas que la Puissance de Dieu puisse dépasser ce que notre jugeote peut comprendre, et que son amour puisse dépasser ce que notre cœur si étroit peut admettre...

Pour nous, au contraire, toute cette avalanche d'impossibles est une nouvelle raison d'y croire, car jamais l'homme n'aurait pu inventer choses aussi impensables, si Dieu Lui-même n'était venu les lui révéler...

Surtout pour nous, cette avalanche d'impossibles nous permet de mesurer un peu l'amour fou que Dieu nous porte : « La grandeur, l'intensité, la force d'un amour, se mesure à la difficulté, à l'impossibilité des choses qu'il nous fait réaliser... » C'est déjà vrai entre les hommes, que dire alors quand il s'agit de l'Amour de notre Dieu qui ne connaît pas de limites !...

Voilà pourquoi en ce temps de Noël, l'Eglise, s'inspirant de saint Paul (cf. Epître aux Ephésiens, ch.2,v.4), nous fait chanter comme refrain du Magnificat qui est mon cantique d'action de grâce : « A cause de sa tendresse excessive, folle, exagérée, déraisonnable à notre égard, Dieu a envoyé son Fils dans une chair semblable à notre chair de péché ! » (Antienne du Magnificat des 1ères Vêpres de l'Octave de Noël).

Ecoutez ce que nous dit saint Paul dans les Epîtres de ce jour : « La bonté de Dieu s'est manifestée pour le salut de tous les hommes. » (Tite, ch.2, v.11, épître de la messe de minuit), et encore : « Elle est apparue la bonté et la divine "philanthropie" de notre Sauveur-Dieu ! » (idem, ch.3,v.4, épître de la messe de l'aurore).

Quant à saint Jean, il résume admirablement notre foi, notre foi chrétienne, quand il écrit : « Nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous et nous y avons cru : Dieu est Amour ! » (1ère Epître de St Jean, ch.4, v.16).

Voilà ce que l'Eglise a charge de faire croire à l'homme : à savoir la chose la plus étrange, la plus extraordinaire, la plus incroyable et cependant et la plus touchante : un Dieu aimant l'homme jusqu'à la passion, jusqu'à la folie ! Un Dieu qui l'a aimé jusqu'à se faire homme, jusqu'à se faire petit enfant, petit bébé, pour se mettre à notre taille, pour supprimer toutes ces distances qui, si légitimes, si réelles soient elles, sont insupportables à un amour. Pour devenir mon ami, Dieu, en ce jour, se fait mon semblable en la personne de son Fils. Comme le disait le Pape saint Léon au Ve siècle : « Sans rien perdre des prérogatives de sa nature divine, il a pris une seconde nature ; notre nature humaine, avec toutes ses limites toutes ses infirmités, toutes ses faiblesses. »

Il prendra même sur son dos toutes nos souffrances : il souffre aujourd'hui du froid, au désert il souffrira de la faim, sur les routes de Samarie il souffrira de la chaleur et de la soif... mais il souffrira aussi de la souffrance des amis qui vous lâchent, qui vous trahissent, comme il souffrira de l'ingratitude et des injures. Il connaîtra les angoisses de l'agonie, les tortures, de la flagellation et il mourra pendu !

Oui l'Eglise est chargée de faire admettre à l'homme que Dieu l'a aimé, que Dieu l'aime d'un amour qui l'a poussé. Saint Paul lui-même, l'a dit, à faire "des folies" (cf. 1ère aux Corinthiens, ch.1, v.18 et 23). La croyance à cette folie divine est pour l'homme la condition, le point de départ de sa régénération. Comme le dit un saint auteur : « Hors de là il n'y a que faiblesses, défaillances de cœur catastrophe de mœurs. Au plus arrive-t-on à être un honnête homme. La folie du sacrifice, de la virginité, du dévouement, du martyre, ne commence que quand on croit à la folie de Dieu. »

On comprend aisément que les Apôtres, du jour où, grâce à l'expérience contestable de la Résurrection, ils ont été convaincus que le Christ, qu'ils avaient vu vivre une vie si semblable à la leur, était en même temps Dieu, ce Dieu dont la foi juive soulignait si fortement la Transcendance, la Grandeur, l'Infinité, on comprend qu'à partir de ce jour-là ils aient été saisis d'une sainte folie et d'un fol enthousiasme ! Pour eux, tout prenait des proportions extraordinaires, divines…

Il doit en être de même pour nous, chrétiens. Du jour où Dieu s'est incarné, toute notre vie sur cette terre a été ennoblie puisque Dieu lui-même l'a vécue dans la personne de son Fils. Tout pour nous, désormais, évoque notre Grand Dieu et Sauveur : Jésus-Christ. Ce bébé que je rencontre dans les bras de sa mère ou que j'admire dans son berceau, il évoque pour moi le bambin de la crèche ! Cet ouvrier, ce travailleur, il évoque pour moi le divin charpentier de Nazareth ! Ce vagabond, ce voyageur évoque pour moi le Christ parcourant les routes de Galilée ! Quiconque m'apporte une joie, quiconque prône, défend, prêche ce qui est noble et beau est pour moi comme un écho des paroles du Maître ! Quiconque soulage, console, purifie, me rappelle le divin Thaumaturge ! Ce juste qui souffre, qui est moqué, humilié, bafoué, comme il me rappelle "l'Ecce Homo" !... Et cette âme transparente de pureté, de clarté, d 'idéal qui irradie un corps, est pour moi comme une rage, un rappel du Divin Ressuscité de Pâques !

Désormais, si je veux que mon amour pour le Christ réponde un peu à ses divines folies, je puis le déverser sur tout ceux qui évoquent pour moi cette physionomie sacrée et aimée… d'autant que je me rappelle sa parole : « Ce que vous ferez pour eux, pour ces petits, qui sont mes disciples, qui me ressemblent, me touchera comme si vous me l'aviez fait à moi-même ! » 

-o0o-

Mes frères, nous sommes des chanceux, nous les chrétiens ! Non ! personne n'a jamais eu un idéal comme le nôtre. Non ! personne n'a, ne peut avoir une religion aussi belle, aussi emballante que la nôtre. Comme le disait l'écrivain inspiré : « Aucune nation, aucune religion, n'a des dieux aussi proches que Yahvé, notre Dieu, l'est de nous ! » (Deutéronome, ch. 4, v. 7).

Avec une joie délirante, avec un cœur gonflé de reconnaissance, célébrons donc notre "Emmanuel" ! Le "Dieu avec nous" qui, pour nous, a fait tant de " folies" !… 

  

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