Année C – Corps et Sang du Christ


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Le pain de vie éternelle peut devenir un poison mortel...

- ce que dit le Christ
- ce que dit St Paul

Le but de l'institution de la Fête-Dieu = faire réagir le peuple chrétien face aux erreurs... et susciter un plus grand respect de l'Eucharistie...est tout à fait "de saison".

Autrefois : on communiait rarement...on s'y préparait sérieusement...

Aujourd'hui : on communie fréquemment ... mais où est le souverain respect réclamé par le Pape Pie X lui-même ?

La communion donnée à n'importe qui... par n'importe qui... n'importe comment...

Comment elle est reçue :

- On manque facilement la messe...
- On communie sang aucune préparation...
- On communie même en état de péché, sans se confesser...

Gravité de ce manque de respect

- Le baiser de Judas...
- Le sacrement devient lui aussi "un mensonge"...

= on envoie promener le Christ et son enseignement...
= on fait volontairement quelque chose qui lui déplaît souverainement.... et avec ça, on prétend à son intimité...

Comme le demande saint Paul : avant de communier, examinons-nous pour ne pas encourir la condamnation...

Comment faisons-nous notre "action de grâces"?...

Les communions solennelles "sans lendemain" : comment réagir ?

Qu'au cours de cette messe, chacun examine son comportement à l'égard de ce Sacrement de la tendresse de Dieu.


HOMELIE

NOURRITURE ou POISON MORTEL ? ...

Quel contraste ! « Si vous ne mangez pas ma chair et si vous ne buvez pas mon sang, vous n'aurez pas la vie en vous. » dit le Christ (St Jean, ch.6, v.53) dans son discours sur le pain de vie. « Celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation ! » dit saint Paul, l'Apôtre du Christ, dans la suite du passage de la lettre aux Corinthiens que nous venons de lire...

Alors, il faudrait tout de même savoir  !

Si nous prenons le texte complet de ce passage de la lettre de l'Apôtre, tout s'explique. Ecoutez, c'est la suite immédiate du passage de cette lettre que nous venons d'entendre : « C'est pourquoi, enchaîne saint Paul, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du Corps et du Sang du Seigneur. Que chacun donc s'examine avant qu'il mange de ce pain et boive de cette coupe, car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation s'il n'y reconnaît pas le Corps du Seigneur ! » (le aux Corinthiens ch. 11, v. 27-30).

La nourriture de vie éternelle peut donc se changer en poison mortel ! La communion au Corps et au Sang du Christ, destinée à nourrir, à développer en nous la vie éternelle, peut nous donner la mort ! St Paul semble, dans la suite du texte (v.30) attribuer la maladie et même la mort de certains chrétiens de Corinthe à des communions faites indignement. Il se peut, en effet, que le Seigneur qui, aux débuts, pour implanter la foi, faisait des miracles, ait, aux débuts aussi, pour inspirer un souverain respect de ce sacrement tout nouveau, puni ainsi ceux qui le profanaient en le recevant de façon indigne !

En tout cas, combien ce qu'il nous dit des conséquences de la communion indigne est vrai au point de vue spirituel : « C'est pour cela, dit-il, parce que vous communiez sans vous rendre compte que c'est le corps du Seigneur, c'est pour cela qu'il y a parmi vous beaucoup de malades et d'infirmes et que bon nombre sont morts ! » (v.30).

La Fête-Dieu que nous célébrons aujourd'hui a été instituée par le Pape Urbain IV en 1264 pour faire réagir tout le Peuple chrétien face aux erreurs qui tendaient à se répandre touchant l'Eucharistie, et pour susciter dans le cœur des fidèles un plus grand respect, une plus grande dévotion envers le Saint Sacrement.

Dieu sait si aujourd'hui le but de cette fête est "de saison" ! Que d'erreur sur ce Sacrement, sur la présence réelle du Christ en ce Sacrement, sont diffuses dans l'air que nous respirons ! Quelle désinvolture dans la façon dont il est traité !

Autrefois – et cet autrefois n'est pas si lointain puisque beaucoup parmi nous ont connu – la communion était peu fréquente. On s'y préparait soigneusement. On n'aurait pas osé communier sans s'être bien confessé, on se déplaçait même la veille pour aller se confesser, le matin on jeûnait de façon absolue et cela pouvait parfois être un sacrifice bien méritoire ! M. le Curé de Saint-Eustache, à Paris, me citait ces gens des halles qui travaillaient toute la nuit sans rien prendre, pas même un liquide, pour pouvoir communier à la première messe le dimanche matin...

Aujourd'hui, c'est tout le contraire : on communie souvent, mais on ne se confesse plus guère. Les communions sont très nombreuses, pratiquement c'est toute l'assemblée qui communie à chaque messe. En un sens, c'est un progrès qui va dans le sens de ce que souhaitait le saint Pape Pie X qui, au début de ce siècle, prônait la communion fréquente et précoce. Mais on semble avoir totalement oublié la recommandation que faisait ce même saint Pape : « Exhortez le peuple chrétien à communier fréquemment en ayant soin de lui rappeler combien il serait dangereux de le faire indignement. A notre époque où la foi chancelle, où la charité languit, cette précaution est particulièrement nécessaire afin que la fréquence des communions ne diminue pas le respect dû à un si grand mystère. » Voilà ce que disait ce saint Pape dans son Encyclique sur saint Charles Borromée, le 29 juin 1910, deux mois avant le décret sur la communion précoce et fréquente.

Le respect d'un si grand mystère ! Existe-t-il encore aujourd'hui ? Hélas ! l'exemple vient de haut. Nous voyons parfois, même à la télévision, la communion distribuée comme un pain d'amitié à n'importe qui, à des chrétiens comme à des non-chrétiens, à des chrétiens qui sont en rupture avec la morale chrétienne, à des gens qui ne sont même pas baptisés...

Nous voyons la sainte communion distribuée n'importe comment et par n'importe qui. Alors que la Commission épiscopale française de liturgie avait bien précisé dans une note, en date du 5 mars 1970, les cas dans lesquels on pouvait confier à des laïcs le soin de distribuer la sainte communion, alors que le Missel lui-même donne le cérémonial qui avait été prévu pour confier cette charge en en soulignant la grandeur, on appelle le premier venu pour remplir cette fonction sans se soucier si les conditions de nécessité indiquées sont remplies et sans aucune préparation ! De même le port des saintes espèces est fait parfois avec une telle désinvolture que l'on peut se demander si celui qui les transporte ainsi a encore la foi...

Cela nous scandalise à juste titre. Nous devons tous nous considérer comme responsables du respect dû au Saint Sacrement et tout faire pour que ces normes de sagesse et de foi dictées par l'Eglise soient observées.

A plus forte raison devons-nous veiller nous-mêmes à apporter ce souverain respect dans la réception de la Sainte Eucharistie. Là aussi, quel laisser-aller sacrilège !

Je pense à la facilité avec laquelle de soi-disant chrétiens manquent la messe dominicale de nos jours. Alors que déjà au milieu du second siècle, saint Justin, dans son Apologie à l'empereur, nous montre les chrétiens accourant le dimanche des villes et des campagnes vers un même lieu pour y entendre la lecture des Ecritures et célébrer l'Eucharistie, aujourd'hui, pour un oui ou pour un non, on manque sans vergogne ce rendez-vous avec le Christ. Agirait-on de la sorte avec un ami ou entre fiancés ?... Mais avec Dieu, n'est-ce pas, on peut se permettre ce qu'on n'oserait pas se permettre dans les relations purement humaines !

Je pense à tous ceux qui s'approchent sans la moindre préparation de la communion, par routine ou pour ne pas se singulariser parce que ceux qui sont autour d'eux y vont ! A ceux qui vont communier comme on va prendre son petit déjeuner, les deux mains dans les poches, si je puis dire, sans aucun complexe. Se rendent-ils compte de ce qu'ils font ? ...

Le pieux auteur de l'Imitation de Jésus-Christ nous dit qu'une année entière ne suffirait pas pour nous y préparer dignement, « n'aurions-nous rien d'autre dans l'esprit ! » (Imitation, Liv.IV, ch.12, n°2).

Saint Augustin, de son côté, au IVe siècle, rappelant que nous devenons le "temple de Dieu", écrivait : « Frères très chers, puisque sans aucun mérite de notre part et par la grâce de Dieu nous avons obtenu de devenir le temple de Dieu, avec son secours travaillons pour que le Seigneur ne trouve en son temple, c'est-à-dire en nous, rien qui offense les yeux de sa Majesté. Que les vices soient bannis de notre cœur, que les vertus le remplissent, qu'il soit fermé au démon et ouvert au Christ... », et il ajoutait : « Que chacun donc examine sa conscience et, s'il se reconnaît blessé par quelque faute grave, qu'il s'efforce de purifier d'abord son âme par des prières, des jeûnes et des aumônes et qu'ensuite il ne craigne pas de recevoir l'Eucharistie. Si, reconnaissant sa culpabilité, il se retire de lui-même de l'autel divin, il obtiendra aisément le pardon de la divine miséricorde, car “celui qui s'élève sera humilié et de même celui qui s'humilie sera élevé.” Comme je l'ai dit, celui qui, se reconnaissant coupable de péché, aura voulu s'écarter humblement de l'autel de l'Eglise dans l'intention de réformer sa vie, ne craindra guère de se voir banni de l'éternel et céleste banquet. » (252e sermon sur le temps).

S'excommunier soi-même, se priver soi-même de communion alors que tout le monde y va autour de soi, alors même que l'on a peut-être soi-même envie d'y aller, mais s'en priver quand même parce qu'on se sent coupable d'un péché grave, qui le fait aujourd'hui ?... Et pourtant cela reste toujours la règle : on ne peut communier en état de péché grave sans faire un sacrilège... Cette règle en effet est toujours valable car elle n'a rien d'arbitraire, elle est au contraire d'une logique irréfutable. Quoi donc ! Vous êtes en désaccord avec le Christ sur un point important, en désaccord volontaire, et vous prétendez à son intimité ?! Vous avez pratiquement, bien délibérément, envoyer promener le Christ, l'enseignement, l'idéal qu'il a chargé son Eglise de nous transmettre de façon authentique, et vous prétendez cependant à son intimité ?! Vous n'avez pas hésité à faire consciemment une chose qui lui déplaît souverainement, et vous prétendez à son intimité ?!... Non mais ! de qui vous moquez-vous ? Encore une fois, agissez de la sorte avec vos amis et vous verrez ! vous verrez comment vous serez reçus ! Mais... avec le Christ... avec Dieu.... N'est-ce-pas ? Il n'y a pas à se gêner  !!!...

Baiser de Judas ! le signe d'amour devenu le signe de la trahison ! le signe de l'amour fait par quelqu'un qui, dans son cœur, vous a trahi, vendu, bafoué !... « Judas, mon ami ! c'est par un baiser que tu trahis le Fils de l'homme ! » Quelle douleur d'un cœur profondément blessé il y a dans cette remarque de Jésus ! Ce baiser de Judas, c'est peut-être ce qui nous révolte le plus dans toutes les avanies que Jésus a du souffrir dans sa Passion : quel mensonge quelle hypocrisie  !

Or le grand théologien de l'Eglise, saint Thomas d'Aquin, nous dit que communier en état de péché grave, c'est faire un geste mensonger, hypocrite, c'est faussé le sens de ce sacrement : « Celui, en effet, qui reçoit ce sacrement, signifie par le fait même qu'il est uni au Christ et incorporé à ses membres ce qui n'est pas s'il est en état de péché grave car alors il s'est séparé du Christ, de son enseignement et de son amour, il s'est séparé de ses membres qui vivent de sa vie ! » (cf. Somme théologique, IIIème partie, question 80, article 4). « Il est donc manifeste, conclut le saint Docteur, que quiconque reçoit ce sacrement en état de péché mortel, commet un mensonge dans ce sacrement. Il encourt donc le sacrilège comme violateur du sacrement et, à cause de cela, il pèche mortellement. »

Saint Thomas rejoint ici saint Paul. Quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement, mange et boit sa propre condamnation, car il n'y discerne pas le Corps du Seigneur ! C'est clair : saint Paul impute cette façon indigne de communier à un manque de foi à la présence réelle. Il est impensable pour lui que l'on approche indignement de ce sacrement si on croit vraiment que c'est le corps du Christ que l'on reçoit.

Faisons donc, mes frères, ce que nous dit l'Apôtre : avant de nous approcher de ce grand sacrement, que chacun de nous s'examine, et si nous nous sentons coupables d'avoir commis bien volontairement des fautes que l'Eglise, chargée de par le Christ de nous présenter son enseignement authentique, déclare graves, n'approchons pas avant de nous être confessés.

Nous "excommunier nous-mêmes", nous priver nous-mêmes de communion, comme nous le disait saint Augustin tout à l'heure, sera déjà une punition que nous pourrons parfois douloureusement ressentir ; ce sera là à la fois un acte d'humilité et de vérité, parfois même comme une confession publique que nous nous reconnaissons en état de péché. Ce sera aussi un acte de foi en la sublimité de ce sacrement, tous sentiments qui disposeront notre cœur à recevoir le pardon du Seigneur.

J'ai parlé de l'état de grâce nécessaire pour pouvoir communier. N'oublions pas, en effet, que le pain eucharistique, pas plus que l'autre, ne crée la vie (la vie surnaturelle)  : il la présuppose, car c'est cette vie elle-même qui s'alimente. Les morts ne mangent pas.

A la suite de St Augustin, j'ai parlé de la préparation lointaine par les efforts que nous devons faire pour "orner d'actes de vertus" notre cœur, afin de recevoir le plus dignement possible le Seigneur...

Je pourrais parler de la préparation immédiate par quelques instants de recueillement avant de nous approcher de l'Eucharistie, instants de silence durant lesquels nous prenons conscience de la Grandeur de Celui que nous allons recevoir, de la grandeur de son amour  ; instants de recueillement durant lesquels nous pouvons redire du fond du coeur l'une ou l'autre des prières prescrites par la liturgie de la Messe pour que le prêtre, lui-même, se prépare à communier : « Que la réception de ton Corps et de ton Sang, malgré mon indignité, ne tourne pas, Seigneur, à mon jugement et à ma condamnation...  (on pense au texte de saint Paul), mais me serve de soutien pour mon âme et pour mon corps et m'obtienne la guérison. » Ou bien encore : « Délivre-moi, Seigneur, par ton Corps et par ton Sang ici présents de toutes mes fautes, fais que je demeure fidèle à tes commandements et que jamais, jamais je ne sois séparé de Toi ! » oui, c'est vraiment le désir de s'accrocher solidement au Christ qui est exprimé là !

Je pourrais parler aussi de l'Action de grâce. Certains, en effet, semblent escamoter ces instants si précieux d'intimité avec le Christ, après l'avoir reçu. Accordons-Lui tout au moins quelques instants de recueillement profond où l'on reste en silence devant Lui, sachant seulement qu'Il est là, intimement soudé à nous... et puis, bavardons mentalement avec Lui, en Lui parlant de tout, comme le faisaient les Apôtres aux jours de sa vie ici-bas. Parlons-Lui de nos soucis, de nos peines, de nos joies, de nos projets ; parlons-Lui de ceux que nous avons rencontrés ou rencontrerons, de tel ou tel avec lequel nous avons des difficultés, demandons-Lui ce qu'Il en pense. Surtout, surtout, demandons-Lui de nous "faire communier" à ses sentiments, de nous faire partager ses idées, ses goûts, de nous aider à communier pleinement comme Lui à la volonté du Père, demandons-Lui d'agir avec nous ! « Celui qui me mangera vivra par Moi. » a-t-il déclaré Lui-même (St Jean, ch.6,v.57). C'est le but même de nos communions  : que le Christ continue à vivre ici-bas par nous.

Alors, avant de quitter l'église, disons-Lui bien : « A nous deux maintenant, Seigneur ! » et...fonçons !

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