Année C – Sainte Trinité


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Le Dieu-Trinité : modèle de pauvreté

Dieu est infiniment grand

- L'immensité de l'univers révélée par la science nous permet de mieux "réaliser" ce qu'est cette infinité...

Dieu est infiniment riche

- Source de toute existence, non seulement il possède toutes les qualités et perfections, mais il EST l'Etre plénier, parfait... Il est toute perfection...

- Exemple : la flamme du chalumeau...

Cette plénitude de l'Etre divin s'exprime dans la Trinité des personnes... C'est parce que Dieu est L’ETRE SUPREME qu'Il est Trinité de personnes.

Ces personnes divines peuvent être dites "pauvres" en ce sens qu'aucune ne garde rien pour elle exclusivement... Aucune "n'accapare" pour soi seule la nature divine... Chacune est pure relation aux autres...

(Textes évangéliques)

Le chrétien doit vivre en communauté à l'image des personnes divines " Qu'ils soient un comme nous sommes un ! "...

Cette communauté doit s'étendre jusqu'au domaine matériel

Exemple des premiers chrétiens.

Doctrine de St Paul... égalité...les membres du corps...

Le prêt à intérêt...

Cette vie de "communion" doit être un témoignage...

Aujourd'hui : fête de la kermesse...

- occasion de porter ce témoignage...
- occasion de resserrer les liens de notre communauté paroissiale...


HOMELIE

LE PERE EST PAUVRE... LE FILS EST PAUVRE ... LE SAINT ESPRIT EST PAUVRE...

Nous, chrétiens, nous sommes les adorateurs de la pauvreté de Dieu ! Ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'un des grands mystiques de notre temps, décédé il n'y a pas si longtemps : le Père Zundel.

Comme il est curieux que l'homme d'aujourd'hui soit si peu logique. Le chant que vous avez entendu tout à l'heure entre les deux lectures remonte à trois mille ans ! Vers l'an mille avant Jésus-Christ, le roi David l'avait composé pour célébrer la grandeur de Dieu : « Seigneur notre Dieu, qu'il est grand ton Nom par tout l'univers  ! Quand je vois les cieux, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas, je m'écrie : qu'est-ce que l'homme pour que tu t'occupes de lui ? »... Déjà sous ce ciel étoilé de la Judée, ce roi David, qui était un ancien petit berger habitué à dormir à la belle étoile, admirait cette grandeur de Dieu manifestée par la voûte étoilée ...

Aujourd'hui, on nous présente un Dieu ratatiné, rapetissé... Aussi les condescendances de ce Dieu à notre égard nous semblent bien peu de chose. Certes Dieu, en la personne de Jésus-Christ, a voulu se mettre à notre niveau, mais ce Christ lui-même, tout homme qu'il est, tout semblable à nous qu'il soit, reste quand même l'Etre Infini, le Fils de Dieu !

Elle est vraiment illogique cette attitude des chrétiens qui rabougrissent leur Seigneur à un moment où la science nous montre que cet univers qui est son oeuvre est bien plus grand que ce que nous pouvions soupçonner.

Savez-vous que, depuis 1958, grâce au radiotélescope de Ryle, on arrive à découvrir des galaxies qui sont à huit milliards d'années-lumière. Le rayon de lumière qui frappe notre oeil, ou plus exactement les ondes que l'on perçoit et qui frappent nos appareils, sont parties il y a huit milliards d'années de cette galaxie en faisant du 300 000 kms à la seconde  ! C'est ahurissant !

Et notre pauvre petite terre, et notre petit soleil, qu'est-ce en comparaison de cette immensité ? Qu'est-ce en comparaison de la multitude de ces astres puisque dans notre simple galaxie les astronomes en dénombrent déjà 100 milliards ! 100 milliards d'étoiles rien que pour notre monde à nous ! C'est quelque chose !

Et quand vous pensez que ce monde semble s'agrandir de plus en plus... C'est l'une des dernières découvertes ! A l'origine de cette découverte, il y a de très savants calculs et le premier, vous le savez, qui a lancé cette idée est un prêtre, un chanoine, le chanoine Lemaitre, qui a découvert que le monde, en effet, s'agrandissait de plus en plus, et à quel rythme, à quelle vitesse  ! L'un des derniers calculs donnait : 60 000 km par seconde ! On pense même que cet agrandissement est peut-être plus rapide encore. Les étoiles s'éloignent, s'éloignent les unes des autres et l'univers s'agrandit de plus en plus ...

C'est prodigieux !

Cette grandeur, cette immensité du monde nous permet de "réaliser" un peu mieux, de nous rendre un peu mieux compte de l'infinité de Celui qui sans cesse le crée !

Créer, qu'est-ce que cela veut dire ? Quand je veux expliquer la création aux enfants du catéchisme, je leur dis : « Fermez les yeux et pensez à ce que fait votre maman en ce moment. Cette pensée, cette idée de votre maman, elle jaillit aussitôt, si je puis dire, dans votre tête ! Elle y est parce que vous la pensez et vous voulez y penser. Si vous vous dites : “ Maintenant je veux penser à autre chose ”, cette idée, cette pensée disparaît aussitôt, elle tombe dans le néant pour ainsi dire. »

Je crois que, malgré toutes les imperfections que peut avoir cette comparaison, c'est tout de même la plus exacte. Créer, cela veut dire faire une chose à partir de rien, la poser dans l'existence rien qu'en la pensant et en la voulant. La création, cela veut dire qu'à chaque demi-seconde, à chaque instant Dieu pense et veut cet univers immense jusque dans les détails et les éléments les plus ténus, les plus minutieux ! Dieu pense et veut non seulement ces multitudes d'astres qui roulent à travers les espaces, mais aussi chaque grain de sable de la mer, chacun des atomes qui composent cet univers...

Voilà qui nous permet, en effet, de nous faire une petite idée de ce qu'est l'infinité de l'Intelligence divine ! Quand nous avons à penser deux ou trois choses à la fois, nous disons : je suis débordé, je n'y arrive pas, j'ai trop de choses à penser ! L'Intelligence Créatrice, l'Intelligence de l'Etre qui se suffit à Lui-même, à chaque instant pense tout ce qui existe et sa volonté le veut et le réalise...

Ô grandeur ineffable de notre Dieu !

Mais aussi, richesse ineffable de notre Dieu  !

Car toutes ces qualités, ces perfections, ces valeurs que nous trouvons éparses dans cet univers, Dieu qui l'a créé les possède éminemment. Que dis-je ? Il les possède ?... Il les est !

Parfois lorsqu'on explique que l'existence de ce monde qui change, qui évolue sans cesse, exige un Créateur qui, Lui, se suffit à lui-même, un Créateur dont l'existence ne dépend d'aucun autre, beaucoup ne comprennent pas et demandent : « Mais Lui, qui l'a fait ?...qui l'a créé ?... »

Cette question n'a pas de sens. Pourquoi ? Le P. Loew, dans sa retraite au Vatican devant le Pape, racontait qu'un docker, pour le faire comprendre à ses camarades, leur disait : « La flamme du chalumeau explique la chaleur des objets qu'elle atteint, qu'elle chauffe, mais personne ne demandera d'où vient la chaleur de cette flamme : elle est elle-même chaleur ! Ainsi Dieu est l'Existant, l'Etre dans toutes ses perfections possibles... Ces perfections, Il ne les possède pas seulement comme si elles se rajoutaient à Lui, Il les est. »

Quelle richesse infinie ! Mais dès lors, comment parler de la Pauvreté de Dieu ?

Depuis que le Christ est venu, nous savons que cette richesse infinie, cette perfection infinie de l'Etre divin, elle s'épanouit en trois personnes distinctes ! Oui, c'est parce que Dieu est l'Etre au paroxysme, si je puis dire, qu'Il est un en trois personnes.

Or, justement, pour que l'Unité subsiste au sein de cette trinité de personnes, il faut que cette nature divine unique soit possédée pleinement par ces trois personnes, mais sans qu'aucune ne se l'approprie, ne se l'accapare, n'en garde rien pour elle exclusivement. « Tout ce qui est à mon Père est à Moi », disait tout à l'heure le Christ dans l'Evangile, et au chapitre suivant, Jésus le répétera dans sa prière à son Père  : « Tout ce qui est à Moi est à Toi et tout ce qui est à Toi est à Moi. » (St Jean, ch.17,v.10).

L'unique nature divine appartient entièrement aux trois personnes à la fois.

La seule différenciation qui existe entre elles c'est le titre auquel elle leur appartient et ce titre lui-même n'est rien d'autre qu'une relation aux autres personnes, un élan, si je puis ainsi dire, vers les deux autres personnes. C'est cet élan, cette relation aux deux autres, qui fait la personnalité de chacune des divines personnes...

Ainsi on peut parler de la pauvreté des divines personnes parce que chacune donne aux autres tout ce qu'elle est, sans rien garder pour elle-même. Oui, le Christ peut le dire en toute vérité  : « Tout (et ce tout a un sens absolu) ce qui est à Moi est à Toi  ; tout ce qui est à Toi est à Moi ! » C'est vraiment la communauté, la communion la plus absolue ...

Comment s'étonner, dès lors, que le Christ, voulant établir sur cette terre des hommes, une communauté qui soit à l'image de celle qui existe entre les personnes divines – « Qu'ils soient un comme nous sommes un » – ait mis comme première condition d'entrée dans ce royaume, dans cette communauté, la pauvreté en esprit, c'est-à-dire l'esprit de détachement, tout le contraire de l'accaparement ? C'est le premier paragraphe du discours-programme de Jésus sur la montagne : « Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des cieux leur appartient ! » (St Matthieu, ch.5, v.3).

Et nous ne devons pas nous étonner si le réflexe instinctif des premiers convertis, aux jours de Pentecôte, fut de tout mettre en commun. C'est ce qu'affirme saint Luc dans les Actes des Apôtres : « Tous les croyants ensemble mettaient tout en commun, ils vendaient leurs propriétés et leurs biens et en partageaient le prix entre tous selon les besoins de chacun. » (Actes des Apôtres, ch.2, v. 44-46). Et deux chapitres plus loin nous trouvons une affirmation similaire : « La multitude des croyants n'avait qu'un coeur et qu'une âme. Nul ne disait sien ce qui lui appartenait, mais entre eux tout était commun... Aussi parmi eux, nul n'était dans le besoin, car tous ceux qui possédaient des terres ou des maisons les vendaient, apportaient le prix de la vente et le déposaient aux pieds des Apôtres. On distribuait alors à chacun selon ses besoins. » (Actes des Apôtres, ch.4,v.32-36).

Appliquant ce principe lorsque les frères de Jérusalem seront tombés dans une extrême pauvreté, voisinant l'indigence, par suite de la persécution, saint Paul fera la quête pour eux dans les différentes communautés qu'il a fondées. Pour inciter ces chrétiens à la générosité, il leur cite en exemple « la libéralité de notre Seigneur Jésus-Christ qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre pour eux, afin de les enrichir par sa pauvreté. » Puis il leur donne la consigne suivante : « Il ne s'agit pas pour soulager les autres de vous réduire à la gêne ; ce qu'il faut c'est l'égalité. Dans le cas présent, votre superflu pourvoit à leur dénuement, pour que leur superflu pourvoie un jour à votre dénuement. Ainsi régnera l'égalité, selon ce qui est écrit Celui qui avait beaucoup recueilli n eut rien de trop et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien. » (2e aux corinthiens, ch.8, v.13-16).

Cela rejoignait l'enseignement que ce même Apôtre leur avait donné dans sa première épître lorsqu'il comparaît la communauté chrétienne à un corps dans lequel les membres sont divers, certes, suivant les fonctions à assurer, mais se rendent entre eux de mutuels services. Car si les dons et talents que Dieu (l'Esprit Saint, dit saint Paul) nous a départis sont différents, ils nous ont été donnés « en vue du bien commun ». (1e aux Corinthiens, ch.12,v.7 et ss.).

Oui, je l'ai dit et redit souvent : l'inégalité des dons et des talents qui existe entre nous est un fait, un fait incontestable. Mais Dieu veut que l'égalité soit le résultat de notre souci de justice et de charité afin qu'elle ne soit pas du "tout cuit" mais qu'elle ait valeur morale, chacun devant mettre gratuitement au service de ses frères ses charismes, c'est-à-dire en bon français les dons et les talents qu'il a reçus gratuitement "pour le bien commun".

Rappelons-nous une fois encore la consigne du Christ : « Ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement. » (St Matthieu., ch.10, v.8). C'est en vertu de cette doctrine que l'Eglise a été si longue à admettre le prêt à intérêt. Elle s'appuyait du reste en cela sur cette autre recommandation du Christ lui-même qui allait dans le même sens : « Si vous prêtez à ceux dont vous espérez recevoir, quel gré vous en saura-t-on ? Même des pécheurs prêtent à des pécheurs pour en recevoir l'équivalent. Au contraire... prêtez sans rien attendre en retour  ! » (St Luc, ch.6,v.34-36).

A l'époque du grand commerce et surtout de l'industrialisation et du machinisme qui demandaient de lourds investissements (construction, achats de bateaux ou de machines), ayant peur que la générosité ne soit pas suffisante pour avoir les avances nécessaires pour ces investissements, on songea à "intéresser" les prêteurs à faire ces avances... Le bien commun le réclamait pour que les avances soient proportionnées à ce que demandait l'intérêt de la société. Alors l'Eglise a autorisé l'intérêt du prêt, à condition toutefois qu'il puisse être justifié par un titre quelconque  : danger de ne pouvoir récupérer son argent si le bateau coulait ou si l'entreprise faisait faillite ... ou le fait que le prêteur aurait pu investir lui-même cet argent par exemple dans une machine qui lui aurait donné un rendement...

En tout cas, l'esprit chrétien ne peut pas, ne doit pas changer. Il faudrait que déjà tout au moins entre nous, entre les membres de nos communautés chrétiennes, cet esprit règne. Que nous n'accaparions pas à notre seul profit personnel nos charismes, je veux dire les dons reçus gratuitement et sans aucun mérite de notre part... Puisque nous n'avons en aucune façon mérité ces dons, ils ne peuvent pas non plus nous mériter les avantages qui en découlent...

Comme je le disais dans ma thèse de théologie sur Proudhon : est-il pensable que certains chrétiens se mettent à la remorque du communisme, parfois du reste par générosité, apportant ainsi leur eau au moulin du matérialisme ? Avons-nous besoin d'aller quémander nos principes d'action économique et sociale auprès de M. Marx ou de M. Lénine, alors que nous avons dans notre patrimoine chrétien des principes qui nous viennent de la Révélation et qui vont autrement loin, tout en sauvegardant la liberté, la personnalité, toutes les valeurs spirituelles qui font un homme ? Il est bien vrai, hélas ! que ces principes d'économie chrétienne, nous les connaissons fort peu, et cela du reste parce qu'on nous en parle fort peu... Il y aurait là un laconisme dramatique à combler.

Voici justement qu'aujourd'hui, en même temps que nous célébrons le grand mystère de la Trinité Sainte qui est au centre de notre religion, nous fêtons aussi notre Communauté Paroissiale : c'est la Kermesse ! c'est-à-dire, suivant le sens étymologique de ce mot flamand la fête de l'anniversaire de la consécration de l'église paroissiale qui, aux yeux des chrétiens, autrefois, coïncidait avec la création de la paroisse, de la Communauté paroissiale. (Entre parenthèses, vous voyez comme il est bête de parler de "kermesse laïque" ! il faudrait changer les mots !) Profitons-en, non seulement pour donner à tous ceux qui vont défiler, le spectacle de cette union et de cette entraide entre chrétiens, et de la joie qui en découle, mais profitons-en aussi pour renouveler entre nous cet esprit d'entraide, de disponibilité les uns vis-à-vis des autres. La richesse divine s'exprime dans la pauvreté des divines personnes ; notre pauvreté en esprit, je veux dire notre refus d'accaparement égoïste de toutes les chances que nous avons, sera notre richesse puisqu'elle nous fait mettre tous ces avantages au service de nos frères : chacun de nous est riche des richesses des autres qui sont, si besoin est, à sa disposition !...

Vous rendez-vous compte de l'impact que cela pourrait avoir dans une société où règne l'égoïsme...  ?

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