Année B – 6ème dimanche de Pâques


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SOMMAIRE DE L'HOMELIE

Jésus aimait les ascensions... Au point de vue moral, il nous fait entendre l'appel des sommets les plus vertigineux Il nous propose l'idéal le plus élevé qui se puisse concevoir...
La source la plus profonde de la joie, c'est de se sentir aimés...
Jésus nous convie à participer à sa propre joie...celle de se sentir aimé du Père, parce qu'Il obéit à ses commandements...
Nous aussi, obéissons à ses commandements et nous aurons la joie ineffable de nous sentir aimés de Lui.
Le dernier commandement de Jésus Aimez-vous comme je vous ai aimés !"

Qualités de cet amour :

1°) Il est prévenant... « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi... » Application.

2°) Il donne jusqu'à sa vie toute entière... Applications... notamment ceux qui ont reçu des dons gratuitement...

3°) Il cherche à faire plaisir... à faire la volonté des autres... « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous demande. »

4°) Il crée un climat de confiance réciproque qui ne supprime pas le "quant à soi".

5°) Il ne fait pas de ségrégation...

Conclusion : Aimons-nous comme Jésus nous a aimés.


HOMELIE

DES ALPINISTES...

Jésus veut faire de nous des alpinistes !... Le Seigneur, lui, a toujours aimé les ascensions. Après son baptême, avant d'inaugurer son ministère, il va faire retraite dans la montagne (St Matthieu, ch.4, v.8). Son discours inaugural, il le prononcera sur la montagne (St Matthieu, ch.5, v.1). C'est sur une haute montagne qu'il se transfigurera devant ses disciples (St Matthieu, ch.17,v.1). C'est dans la montagne qu'il se réfugiera après le miracle de la multiplication des pains, quand les foules voudront l'enlever pour le faire roi (St Jean, ch.6,v.15). C'est encore sur une montagne en Galilée qu'après sa Résurrection, il donnera rendez-vous à ses disciples pour la plus solennelle, peut-être, de toutes ses apparitions pascales.

Et au point de vue moral, au point de vue spirituel alors ! Les sommets que Jésus nous fait entrevoir, les sommets qu'il nous propose de gravir à sa suite, sont simplement vertigineux ! « Soyez parfaits comme votre Père du ciel est parfait ! » (St Matthieu, ch.5,v.48). « Soyez miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux ! » (St Luc, ch.6,v.36).

Et aujourd'hui : « Aimez-vous, comme je vous ai aimés ! » Peut-on imaginer idéal plus beau, plus haut, plus sublime ? Et tout cela, Jésus nous le propose « pour que sa joie, sa propre joie de Fils de Dieu – et ce n'est pas rien ça non plus – soit dans nos cœurs ! »

Quelle est donc déjà, sur notre pauvre terre, la joie la plus grande, la plus profonde, sinon celle de savoir que l'on est aimé ? La plus grande joie de l'enfant n'est-elle pas de se sentir aimé par sa maman ? La joie d'un couple, n'est-elle pas de savoir qu'ils s'adorent ? Et pourquoi sommes-nous si heureux lorsque nous rencontrons de vieux camarades, de vieux copains, lorsque nous nous retrouvons entre amis, si ce n'est parce que nous apprécions par dessus tout l'amitié, l'affection ?

Quelle est la source de la joie la plus profonde, de la joie infinie de Jésus-Christ, sinon le fait d'être aimé de son Père, aimé d'un amour infini ? Et voyez le raisonnement du Seigneur dans cet Evangile : à cet amour infini de son Père, et donc à cette joie infinie qu'Il goûte, Jésus a un droit tout à fait strict, constitutif même, si je puis dire, de la Trinité Sainte du fait qu'Il est le Fils, l'une des personnes divines; mais pourquoi sa sainte humanité participe-t-elle à cet amour et donc à cette joie ? Jésus nous en donne une des raisons dans ce passage d'Evangile : c'est qu'il fait toujours parfaitement la volonté de son Père, il obéit toujours parfaitement à ses commandements ; c'est pourquoi Il "demeure" dans son amour, l'amour de son Père "est assuré" à sa sainte humanité.

Et Jésus poursuit son raisonnement : « Vous aussi, si vous voulez participer à ma joie, à ma propre joie, si vous voulez l'avoir en plénitude, si vous voulez goûter cette joie des saints, obéissez, vous aussi, à mes commandements. Si vous obéissez à mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme Moi, en obéissant aux commandements de mon Père, je demeure en son amour. »

Oui, si le fait pour un enfant d'être sûr de la tendresse de sa maman est une source de joie à nulle autre pareille, si le fait pour des époux de sentir qu'ils s'adorent, qu'ils ne vivent que l'un pour l'autre, est une source de bonheur, si quand nous goûtons l'amitié entre camarades nous nous sentons si épanouis, si heureux, que doit-il en être quand nous pouvons être sûrs de l'amitié, de l'amour, de la tendresse de Dieu ! Oui, celui qui a savouré, ne serait-ce qu'un jour dans sa vie, ce que c'est que de se sentir aimé de Dieu, d'un amour de tendresse infini, d'un amour de prédilection, celui-là n'est pas près de l'oublier de sitôt, celui-là en gardera la nostalgie sa vie durant.

Quel est donc le commandement que Jésus nous donne, le commandement dont l'observance nous garantira son amour et nous apportera par conséquent "sa" joie ?

Ce commandement que Jésus nous donne comme exprimant ses "dernières volontés" avant de partir pour l'agonie au soir du Jeudi Saint, ce commandement sublime, le voici : « AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES COMME JE VOUS AI AIMES ! »

Alors, voyons donc comment il nous a aimés, Lui, et essayons de faire pareil entre nous.

La première caractéristique de l'amour du Christ à notre égard, c'est d'être un amour prévenant. Jésus le soulignait dans cet évangile : « Ce n’est pas vous qui m'avez choisi, c'est Moi qui vous ai choisis. » Et tout à l'heure dans l'épître saint Jean aussi nous disait la même chose : « Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu (les premiers), c'est Lui qui nous a aimés ! » C'est bien cela la marque d'un véritable amour, il n'attend pas qu'on aime d'abord, il prend les devants, il aime avant d'être aimé. C'est de cette façon-là dont le Seigneur nous a aimés, dont sa tendresse nous a prévenus. Et nous aussi, notre amour doit être prévenant c'est-à-dire ne pas attendre que l’autre commence, que l'autre dise bonjour le premier, que l'autre demande pardon le premier. C'est à nous, chrétiens, de faire le premier pas comme Dieu, comme Jésus l'a fait pour nous.

Et voici la deuxième caractéristique de l'amour indiquée par Jésus : Il se donne, il se donne jusqu'au bout. « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime ! » Donner sa vie pour ceux que l'on aime, il l'a fait le Seigneur ! Et Dieu l'a fait aussi. Saint Jean le disait encore dans l'épître. Dieu, par amour pour nous, parce qu'Il savait que pour nous sauver, que pour nous changer, que pour que nous puissions nous épanouir, il fallait que nous ayons devant les yeux un témoignage d'amour fou, dépassant toutes les limites, Dieu a voulu que son propre Fils, son Fils chéri, son Unique, nous aime jusqu'au Calvaire, jusqu'à accepter d'être pendu à un gibet et à une croix ! Donner, donner tout ce que l'on a et donner sa vie par un dévouement qui soit un goutte à goutte quotidien, en nous dépensant à bloc pour les autres ...

Que penser alors de ceux qui ont reçu des dons, dons de la grâce, dons de la nature, dons de la fortune, dons de l'éducation, dons de l'intelligence, et qui veulent garder tout ça pour eux ? Ou alors, lorsqu'ils exercent ces dons et ces talents au profit du prochain, veulent se les faire payer alors qu'eux-mêmes ont reçu gratuitement, et par pure chance, ces dons-là pour l'utilité de tous, nous dit St Paul (1ère aux Corinthiens, ch.12, v.7), pour en faire profiter les autres ? Est-ce de l'amour  ?... Est-ce même seulement de la justice ?... J'ai déjà eu l'occasion de me poser la question devant vous, mais il faut y revenir souvent pour détruire un faux préjugé incrusté profondément dans l'esprit et qui est à l'origine de bien des injustices, de bien des inégalités sociales. On ne voit pas, vous ai-je dit (cf. homélie pour le 11ème dimanche ordinaire, Année A), pourquoi quelqu'un qui a eu plus de chances au point de départ en recevant tous ces talents que bien d'autres n'ont pas, aurait de ce simple fait le droit d'avoir, toute sa vie durant, un standing meilleur que les autres ? Il n'y est pour rien dans ces chances qu'il a eues, et il faut répéter ici encore ce principe proclamé par le Christ (St Matthieu, ch.10, v.8) et qui devrait régir toute économie vraiment chrétienne : « Ce que vous avez reçu gratuitement, donnez-le gratuitement ! » Est-ce que nous-mêmes, nous avons la préoccupation, lorsque nous avons quelques loisirs, un peu de temps, de les mettre éventuellement à la disposition de nos frères ? Tout cela peut nous faire réfléchir... beaucoup ! C'est cela l'amour vrai, l'amour chrétien, l'amour à l'image de Dieu, l'amour à l'image de Jésus-Christ, l'amour à l'image d'une vraie mère !

Troisième marque d'un véritable amour "à la mode de Dieu et à la mode de Jésus-Christ" : chercher à se faire plaisir les uns aux autres. « Vous êtes mes amis, dit Jésus, si vous faites ce que je vous commande », donc si vous exécutez mes souhaits, mes désirs ! Cette émulation de petites délicatesses les uns envers les autres, saint Benoît en parle dans sa règle (ch.72). "Se faire une fleur", comme on dit. Là, nous n'en finirions plus de relever dans l'Evangile toutes ces attentions délicates du Seigneur Jésus, notamment dans ses apparitions après Pâques. C'est à Madeleine, Madeleine la pécheresse, « de laquelle il avait expulsé sept démons » note saint Marc (ch.16, v.9) mais qui l'avait cherché avec tant d'amour et de persévérance, qu'il se manifeste tout d'abord. Puis à ces femmes si empressées de lui rendre les derniers devoirs qu'elles se sont rendues au tombeau dès l'aube. Puis à Pierre, Pierre le chef des Apôtres sans doute, mais aussi Pierre qui l'avait renié et qui devait être rongé par le remords ! Enfin j'ai eu l'occasion de noter comment, dans sa hâte d'aller consoler les siens, Il n'avait pu attendre qu'ils se décident à aller au rendez-vous qu'Il leur avait fixé en Galilée et était allé les surprendre au Cénacle, dès le soir de Pâques  !... Oh ! la délicatesse ! C'est la fine fleur de la charité !

Quatrième caractéristique de l'amour "à la mode du Christ" : c'est de créer un climat de confiance. « Vous êtes mes amis, aussi je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père ! », il n'y a plus de secrets entre nous. Certes il ne s'agit pas d'aller étaler sa vie privée, ni celle de sa famille, sur la place publique ! Il est un "quant à soi" qui reste de très bon aloi, qui est même la marque d'une "personnalité", et qui doit être sauvegardé. Tout le monde ne peut pas, et ne doit pas, être nos confidents. Jésus lui-même a eu des Apôtres avec lesquels Il se sentait plus à l'aise, mieux compris sans doute et dont Il a fait ses confidents : Pierre, Jacques et Jean... Mais ce que nous devons être les premiers à lancer, à démarrer, c'est ce climat de confiance réciproque, en montrant que l'on compte sans réticence sur les autres, sur leur parole, sur leur dévouement... C'est peut-être le meilleur moyen de les empêcher de se dérober et de créer cette atmosphère fraternelle qu'au demeurant tout le monde apprécie...

Une cinquième qualité de l'amour de Dieu à notre égard, c'est que le Seigneur ne fait acception de personne. Le cas du centurion Corneille, rapporté dans la première lecture, le soulignait. L'amour de Dieu ne connaît pas la ségrégation. Il accorde son Esprit Saint à ce païen croyant et de bonne volonté aussi bien qu'aux convertis du judaïsme... Il faut le rappeler aujourd'hui où certains qui se disent chrétiens, s'ils n'osent pas faire de ségrégation raciale dans leur charité parce que "c'est mal porté", ne ressentent aucune gêne à faire de la ségrégation sociale ou politique. Quelle horreur ! et qui plus est, souvent "au nom de l'Evangile", c'est un comble !

 

Voilà, mes bien chers frères... Oui, que notre ambition soit de nous aimer comme Jésus lui-même nous a aimés !

Nous aimer comme lui d'un amour prévenant ... d'un amour qui nous fasse nous donner, nous dépenser pour les autres, dépenser pour eux, de façon désintéressée et gratuite, les dons que nous avons reçus du Seigneur.

Et le souci de se faire plaisir, le souci de se faire "une petite fleur", vous voyez ce que ça donnerait si ce souci travaillait tous les membres de notre communauté ?

Qu'il y ait entre nous un climat de confiance, que nous sachions que nous pouvons vraiment compter les uns sur les autres et enfin, oh oui qu'entre chrétiens il n'y ait jamais de ségrégation, d'ostracisme, que personne ne soit excommunié de notre cœur, comme personne ne l'est jamais du cœur de Dieu.

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